Il était 16h45 un vendredi en février, il pleuvait un peu, il faisait froid.
Emmitouflée dans mon manteau d’hiver, je me demandais s’il serait nécessaire d’en racheter un spécial grossesse. Jusqu’à quel point mon ventre allait-il grossir, et quel temps ferait-il le mois prochain ?
Je suis partie en retard du bureau. Comme d’habitude, prise dans mon travail, je n’ai pas vu l’heure. Nous avions rendez-vous à 17 h pour l’échographie de contrôle du second trimestre, celle où on apprend le sexe du bébé, mais nous étions à mille lieux d’imaginer ce qui nous attendait.
Tourbillon était chez son papa, et après l’examen, nous irions dîner en tête à tête avec Grand_chat. Demain, nous irons chez ikéa acheter un petit lit de bébé.
J’ai pressé le pas sur le chemin. Je sais que ce n’est pas très bon de m’agiter comme ça. Promis, je ferais plus attention la prochaine fois ! Enfin, j’essaierai …
J’étais assez stressée. Je crois que je n’étais pas totalement prête quand notre étoile a décidé de se loger au creux de moi. Je crois que je l’ai décidé par amour, mais aussi avec beaucoup de craintes. Je n’étais pas totalement guérie de mes blessures passées, encore sous le choc de mon divorce, je n’étais pas sûre de moi. Depuis 1 an, je reconstruisais ma vie, mais étais-ce réellement le bon moment pour tout chambouler à nouveau ? Vu le résultat que ça avait donné la première fois, avec mon ex mari, nos disputes, les incompréhensions, les coups bas, la séparation … Voilà à quoi je pensais sur le chemin du cabinet médical.
Grand_Chat m’attendais dehors, sous la pluie, un immense sourire aux lèvres, les yeux brillants, l’air heureux des hommes profondément confiants, gardien du secret de ce grand bonheur à venir.
Dès qu’elle a posé la sonde sur mon ventre, nous avons su que ça n’allait pas. « Pardon, a t-elle dit, il n’y a plus de liquide amniotique. Je suis désolée mais je ne vois rien. »
J’ai compris sans comprendre. Papa_chat, lui n’a pas compris du tout, il continuait à regarder l’écran avec son air béa.
Elle a immédiatement regardé les reins. Ce sont eux qui ne fonctionnaient pas. Ils ne se sont pas mis en route. Ils ont absorbé tout le liquide amniotique, sans le restituer. Ils étaient trop gros, gonflés, et pleins de kystes.
A cause de cela, le reste n’a pas pu se développer. Nous avons appris ensuite que notre étoile avait les poumons atrophiés, et que tous les organes de son petit corps ne grandiraient pas. A ce moment, j’étais dans le déni : aujourd’hui la médecine sait faire tant de choses !
Des reins ça se change, des poumons ça se fait maturer et puis pour le liquide bein quoi, on peut pas en remettre un peu ?
Elle a doucement mis fin à mes illusions :
« Votre bébé ne vivra pas à la naissance. »
J’ai éclaté en sanglots. J’ai regardé Grand_chat et je lui ai demandé pardon. Je suis désolée mon amour. Je pleurais et lui, il a réalisé. Il est venu me prendre dans ses bras et nous sommes restés prostrés.
Et la suite ? « Si vous le souhaitez, vous pouvez aller jusqu’au bout de votre grossesse, mais nous allons vous proposer une interruption médicale. A vous de faire votre choix. »
Un choix ?!
Ce jour là, nos vies sont entrées en collision avec un train à grande vitesse.
Nous nous sommes pris un mur en pleine face sans le voir arriver.
Nous sommes rentrés chez nous, et nous avons pleuré sur notre canapé pendant 3 jours entiers.
Les jours suivants, nous avons rencontré des médecins, qui nous ont expliqué ce que nous devions faire. Nous avons du prendre cette foutu décision. Nous ne sommes pas allés chez Ikéa, mais aux pompes funèbres pour trouver un cercueil.
Mon étoile, deux semaines après ce rendez-vous qui te condamnais, j’ai du faire la pire chose de ma vie : te mettre au monde sachant que cela te tuerai.
J’ai pris ces cachets 48 h avant mon hospitalisation. Nous sommes rentrés à la maison, pour attendre. Nous sommes retourné à la clinique, et j’ai laissé les médecins me poser la perf pour déclencher ta venue. Je t’ai senti bouger pendant les contractions, et je n’ai entendu aucun cri à ta naissance. Je t’ai pris dans mes bras mais j’avais peur de bouger. Tu étais si petit, j’avais peur de te casser.
Tu étais si beau, mon étoile.
Tu me manques chaque jour.
Une réflexion sur “#deuilpérinatal – ce jour où nous avons su que notre étoile allait s’éteindre”